« L’excès de liquidités et ses conséquences »…

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    « L’excès de liquidités et ses conséquences »…
    "L’excès de liquidités et ses conséquences"...

    Malgré une situation macro-économique morose, l’"excès de liquidités" caractérise les marchés et, en particulier, celui de l’immobilier. Aryé Maman, fondateur d’Anavim Research, analyse les conséquences de cette situation sur un marché dans lequel il "reste des opportunités"…

    Alors que nous assistons, à l’heure où nous écrivons ces lignes, à un mouvement de grogne qui démontre une certaine instabilité sociale et économique, paradoxalement les collectes atteignent des records dans les fonds immobiliers et les taux de rendement sont de plus en plus agressifs en général et sur la partie commerce, en particulier. D’un point de vue macro-économique, il y a là un non sens. A priori un marché doit être soutenu, avant tout, par l’activité économique d’un pays. Or, celle-ci reste en berne, sans parler d’un contexte géopolitique quelque peu instable. Mais le marché de l’investissement immobilier en France semble résister et si un ralentissement a été observé il y a un peu plus de deux ans, la croissance semble repartir et des records de volume de transactions d’avant crise sont atteints. Quels sont les rationnels qui peuvent expliquer ce paradoxe ? L’excès de cash et le climat social permettent-ils de trouver encore des opportunités à une « fair value » combinant sécurité et rendement ? Les investisseurs professionnels demeurent-ils rationnels ?

    2015 : une année marquée par une collecte record
    Alors que le taux du livret A et ceux d’emprunt ne cessent de diminuer, une solution de report semble être trouvée pour les épargnants privés qui placent de manière massive leurs économies dans les parts de SCPI, avec parfois des montages inédits et du levier sur ces titres potentiellement à risque. La collecte des SCPI a atteint un nouveau record en 2015 pour s’élever à 5 milliards d’euros, dont 4,3 milliards à investir. Du côté des OPCI grand public, on parle de 2,45 milliards d’euros. Cette dernière collecte a augmenté jusqu’à 50 % par rapport à 2014 pour certains produits. Par ailleurs, selon l’IEIF, les parts de SCPI constituent, aujourd’hui, le produit qui offre le meilleur TRI, de l’ordre de 11 % sur la période 2005-2015 (obtenue par extrapolation), contre 7 % environ pour le marché des actions. De plus, on observe avec étonnement la pertinence d’une remarque d’un rapport de juillet 2012 de Patrick Artus, chez Natixis, qui souligne entre autre que, dans ce nouveau marché de liquidités abondantes, les investisseurs vont avoir tendance à placer leur épargne dans des actifs plutôt illiquides. Par ailleurs, la triple conjoncture (politique monétaire des gouvernements, besoin de rémunération des réserves de cash des banques et assureurs, retrait des investisseurs de certains marchés de dettes publiques) offre une autre source intéressante de prospection. Ainsi, les gestionnaires immobiliers et fonds institutionnels spécialisés se retrouvent avec un excès de liquidités et se doivent de les dépenser rapidement.

    Le « taux de réalisation » un besoin primordial pour éviter la dilution
    Le « taux de réalisation » pour une collecte, si on peut l’appeler ainsi, peut être défini comme étant le taux effectif des fonds propres investis rapportés aux fonds propres collectés. Il se doit d’être élevé et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, et la plus importante, éviter la trop grande dilution des parts d’une SCPI ou de tout autre véhicule. D’autre part, il s’agit de prouver aux pourvoyeurs de fonds la capacité de « sourcing » et le moyen de réaliser leur ambition. Certains résultats, à l’instar de ceux de La Française qui affiche un record de 1,8 milliard d’euros de transactions immobilières pour une collecte de l’ordre de 2 milliards d’euros en 2015, sont riches d’enseignement. Cela démontre la capacité de « sourcing » de ces acteurs. Malgré tout, les taux de rendement diminuent, compte tenu de la pression à l’achat, avec un taux de distribution qui baisse.

    Impact sur la stratégie et l’analyse
    Ainsi, certains grands groupes arrivent à capter un nombre d’opportunités important. Plusieurs questions légitimes se posent : existe-t-il une pression à l’acquisition à l’encontre des rationnels classiques d’investissement ? Comment se segmente l’investissement chez les plus grands ? Y-a-t-il un impact sur la stratégie ? Enfin, comment ces acteurs se démarquent-ils du marché ? D’abord (et nous avons eu à faire, il y a quelque mois, avec un cas de ce type chez un des plus importants investisseurs institutionnels), il y a des processus de validation doubles qui peuvent couper court à un investissement, malgré une première validation au préalable. Les équipes d’analystes ne peuvent plus absorber, à elles seules, l’étude des nombreux dossiers. Elles pourraient externaliser (un service que nous proposons chez Anavim Research), mais la plupart vont arbitrer leurs petites lignes. Ainsi, les « deals » de plus de 100 millions d’euros apparaissent parfois sur le marché « off market ». Par ailleurs, les records de taux agressifs (en dessous de 2,5 % sur une opération parisienne « off market » emblématique de 2015 de plus de 100 millions d’euros) sur l’ultra « prime » ne choquent plus. Les investisseurs faisant appel à l’épargne attaquent le marché des commerces de pieds d’immeubles qui étaient, à l’époque, la spécialité d’initiés et créent des véhicules sur les régions pour maintenir une rentabilité globale acceptable. Donc, pour se démarquer et capter l’offre, les plus importants proposent des prix imbattables. Nous avons identifiés, dans nos « screenings » sur notre partie investissement, des acteurs qui achètent le plus cher l’habitation, le commerce et le « prime », ce qui rend plus facile aujourd’hui un processus d’arbitrage « off market » sur ces produits.

    Les opportunités aujourd’hui
    C’est la question que nous pose les fonds français et étrangers : existe-t-il des opportunités à une « fair value » ? Nous ne nous attarderons pas sur le report vers d’autres marchés européens (notamment l’Allemagne). Mais les opportunités existent, plutôt en dehors de Paris, sur le marché du bureau « prime » dans les villes les plus importantes en régions en dehors des trois plus grandes. Dans le commerce, des opportunités peuvent résider dans les villes secondaires, toujours sur du « prime », ainsi que dans l’arbitrage des petites lignes des institutionnels, à l’instar de deux mini « retail parks » que nous analysons actuellement sur une base de 8 % (actes en main). Enfin, le logement en bloc offre des opportunités en périphérie des grandes villes, sur des actifs de qualité. Bien entendu, nous n’incluons pas les actifs « value added » et les opérations marchands. Attention cependant, les régions requièrent de vraies compétences et une immersion dans ces marchés. Un exemple : un actif bureaux a priori « prime », à Dijon, dans une localisation en demande de commerces, acquis par un institutionnel ! Pour les plus petits investisseurs, les lots de parkings restent intéressants… Au final, une opportunité se mesure à l’achat. Il ne faut pas céder à la tentation d’un actif sans perspective sur le long terme en raison d’une collecte favorable. Il peut être intéressant de sous-traiter les petites lignes en asset management et en analyse, car les opportunités sont d’autant plus importantes sur les deux extrêmes de prix. Nous pensons, néanmoins, qu’il faut intégrer les paramètres macro-économiques car nous estimons que le marché est survalorisé. Une augmentation des taux des banques centrales pourraient entraîner de sérieuses déconvenues. La force d’un fonds ne réside pas dans le fait d’acheter un immeuble « prime » et cher et se proposer spécialiste des régions, mais dans le fait de garantir une valeur intrinsèque de son patrimoine, avec une stratégie claire, en adaptant sa liquidité en fonction de sa vision (patrimoine, valorisation…). Il est vrai que la plupart des acteurs ont conscience de ces risques. Gageons que la situation financière des épargnants restera au coeur de leur préoccupation en amont d’un investissement !

    Aryé Maman
    Anavim Advisory